Cristina DIAS DE MAGALHÃES - Instincts. Same but different -2020

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© Cristina DIAS DE MAGALHÃES

ARTIST STATEMENT / Cristina Dias de MagalhĂŁes

The birth of Victoria and Helena changed everything. Nothing is the same anymore. They are part of my world, my life, myself. We evolve side-by-side united by a unique bond. Through their gaze I rediscover the moments linked to early childhood. Joy of life, exploration of the environment, discovery of oneself and the others are depicted through diptychs, creating an imaginary and yet authentic encounter uniting the human and animal universe. Instincts are the basis for survival, and the relationship we build with others, the environment and the planet define our humanity. I started « Instincts. Same but different » as the silent observer of my daughters’ explorations, encounters, and nascent dyad. Instead, it has been the process to redefine myself as a woman, a mother and an artist.



Cristina Dias de MagalhĂŁes, Twins, Instincts.Same but different, 2020


UNE RONDE POUR APPRIVOISER LEUR MONDE / Christian Gattinoni

Cristina Dias de MagalhĂŁes a cessĂ© d’interposer son dos entre nous et le monde sensible. Sa mise en corps (Ă  travers la mise en scĂšne intimiste d’Embody) l’a faite mĂšre, elle crĂ©e maintenant Ă  hauteur de ses jumelles, Victoria et Helena. Toujours le truchement de la nature lui permet d’aborder plus sensiblement son environnement, mais d’une sĂ©rie Ă  l’autre elle a abandonnĂ© le rĂšgne vĂ©gĂ©tal des arbres et feuillages et leurs ombres portĂ©es pour confier Ă  l’animal le rĂŽle de mĂ©diateur. A la premiĂšre Ă©tude de ces images j’ai pensĂ© diorama. Et le texte de l’auteure m’a orientĂ© vers son lieu favori de prises de vues le MusĂ©um d’Histoire Naturelle de GenĂšve. L’une des institutions de cet ordre oĂč les dioramas sont les plus nombreux. Ceux-ci concernaient d’abord exclusivement la faune rĂ©gionale suisse et depuis les annĂ©es 1990 se sont Ă©largis aux animaux de tous les continents.

Faut-il rappeler que notre artiste se place ainsi dans la postĂ©ritĂ© des inventeurs du diorama, un certain peintre oubliĂ© Charles Marie Bouton et Louis Jacques MandĂ© Daguerre qui se consacrent en 1822 aux illusions et jeux de lumiĂšre de ces ancĂȘtres de l’installation, dix-sept ans avant l’invention officielle de la photographie. Cette animalitĂ© du diorama reste liĂ©e aujourd’hui Ă  l’univers de l’enfance, en dehors des institutions musĂ©ales on y est confrontĂ© dans les parcs d’attractions, les biodĂŽmes, les modĂšles rĂ©duits et les livres pop-up.

Dans la notice du lieu on rappelle que la mascotte du MusĂ©um est une tortue grecque bicĂ©phale nommĂ©e Janus en rĂ©fĂ©rence au dieu antique. Cette tortue Ă  deux tĂȘtes nĂ©e en 1997 dans les couveuses de l’institution bat un record de longĂ©vitĂ©. Les jumelles ont aujourd’hui quatre ans, elles adorent rendre visite aux autres animaux naturalisĂ©s qui sont aussi frĂ©quemment sujets Ă  la photographie maternelle qu’elles deux.

Dans l’ensemble des diptyques le face Ă  face se joue en pleine Ă©galitĂ© Ă  hauteur d’oeil d’enfant. Le cadre est toujours serrĂ©, dans une distance d’intimitĂ© ludique. Dans les dioramas l’animal fait souvent face au public ou est installĂ© selon son meilleur profil. Cela donne lieu Ă  des confrontations oĂč tel oiseau semble porter une attention de grand frĂšre aux deux petites, un liĂšvre assiste curieux aux effusions de tendresse entre mĂšre et fille, lui rĂ©pondent les longues oreilles d’un doudou en peluche. Les conventions photo du portrait s’appliquent au rĂšgne animal, tandis que les jumelles sont surprises au vif des gros plans de leur gestuelle, dans les figures d’une ronde toujours rĂ©itĂ©rĂ©e, jamais dans la pleine lumiĂšre de leur visage.

Entre le corps des bĂȘtes naturalisĂ©es et celui saisi au vif des deux petites un troisiĂšme corpus remet en jeu les dessins des enfants. LĂ  encore Cristina se positionne dans une tradition artistique celle qui remonte aux crĂ©ateurs avant-gardistes de l’almanach du Blaue Reiter, publiĂ© Ă  Munich en 1912. Les premiers, ils y collectionnent et publient des dessins d’enfants. Son plus connu reprĂ©sentant Paul Klee intĂšgre ses propres premiers dessins au catalogue de son oeuvre, en excluant les commandes scolaires ou ses productions d’étudiant. Kandinsky considĂšre l’art enfantin comme une expression intuitive directe de l’essence intĂ©rieure des choses. Cristina, quant Ă  elle, place sa sĂ©rie sous le rĂšgne de la domination renouvelĂ©e de l’instinct.

En 1919, Max Ernst organise une exposition dada Ă  Cologne, oĂč il accroche Ă  cĂŽtĂ© de ses oeuvres et de celles d’artistes d’avant-garde, dessins d’enfants, objets trouvĂ©s et productions de personnes prĂ©tendument aliĂ©nĂ©es. Cristina sous-titre sa sĂ©rie Same but different, ce qui bien entendu doit s’entendre dans le dĂ©veloppement de ses deux filles. Plus proche de nous l’essentiel des Ă©tudes sur le dessin d’enfant s’inscrit dans une dimension psychologique ou psychopĂ©dagogique, il y est considĂ©rĂ© d’abord comme un mode de perception. Pour l’artiste, cette fascination des formes tracĂ©es sans contrainte, de leurs traits vifs comme de leurs couleurs sans calcul n’a rien Ă  faire de la psychologie, aussi subtile soit son analyse.

Si dans l’exigence de sa dĂ©marche l’artiste accepte cependant que la psychologie parle de besoin de diffĂ©rence, la seconde partie du titre de la sĂ©rie avance que devenir soi-mĂȘme suppose pour chacune de ses filles de s’affirmer diffĂ©rente de sa co-jumelle. ParallĂšlement quand la sociologie emploie le terme « normes de diffĂ©renciation » cela peut apparaĂźtre comme un programme qui se rĂ©vĂšle dans la complexitĂ© de l’accrochage. L’histoire se construit dans le montage quasi cinĂ©matographique des diptyques qui se rĂ©pondent d’une salle Ă  l’autre. Quelques images en dos bleu directement collĂ©es sur le mur redonnent un peu d’espace pour une fuite jouĂ©e sur le mode un deux trois soleil et photo. Pour qu’elle trouve ses Ă©chos complets dans le rĂ©el de la famille, une des premiĂšres salles installe la figure masculine du pĂšre. Et en Ă©cho la derniĂšre salle met au centre les deux mains si parlantes de NoĂ©mie, la petite derniĂšre. Les salles Ă  dimension humaine de Nei Liicht semblent rĂ©sonner des Ă©chos lointains d’une comptine rythmant cette ronde follement joyeuse Ă  la dĂ©couverte de l’univers.

Christian Gattinoni
Membre de l’Association Internationale des Critiques d’Art,
rĂ©dacteur en chef de la revue en ligne ”:www.lacritique.org “


Cristina Dias de MagalhĂŁes, Playground, Instincts.Same but different, 2020

CRISTINA AND HER DAUGHTERS / Françoise Poos

It was about a year and a half ago when Cristina Dias de Magalhães first contacted me to discuss a possible new project, a series about her then three-year-old twin girls, Victoria and Helena. We met for coffee in Luxembourg during one of Cristina’s visits from Geneva, and she showed me an initial series of images, many of which have become part of Instincts. Same but different. Tufts of fluffy, curly hair, in single or double edition, jumping, or sitting quietly and well-behaved; tiny feet in slippers and under blankets. There were photographs of taxidermied animals too, tokens from their mother-daughter outings to the Museum of Natural History. And finally, Cristina mentioned her daughters’ drawings as part of this new body of work. That is, if it was going to be pursued.

This, indeed, was at the heart of her concerns: “What should I do about these images? I feel very strongly about them. Yet, can they, these “snaps” I make of my daughters, can they be a new body of work in their own right?” The answer, both mine and ultimately Cristina’s, obviously, was yes.

There is no other medium that suits documenting family life and creating family history like photography. Weddings, birthdays, family vacations, the arrival of children, their growing up from babies to toddlers, to teens and young adults fill albums, cellphones and clouds all over the planet. Artistic and popular practices converge. Skilled artists have made exquisite portraits of their loved ones since the very early days of photography. Julia Margaret Cameron, who was offered a camera as a present by her daughter in 1864, photographed her grandchildren in delicate studies for biblical motifs. Edward Steichen captured his daughter Mary sleeping, using the newly invented autochrome process at the beginning of the twentieth century, long before he canonized the family as the main subject of his major exhibition The Family of Man.

As photography spread to the masses – and Kodak made sure to get the message across that it was merely a “child’s play”! – families started to write their own stories. And though fathers would most often pick up the camera and have the children pose for future memories, mothers would play an equally important part in keeping track and organizingthe souvenirs and stories into the family’s most treasured keepsake and means of selfrepresentation: the album.

Cristina is both operating the camera and creating the family history in a neatly organized edit. She observes quietly, yet she is more than an observer. Her gaze is clearly that of a mother, watchful, present, protective. Thus, she sets clear boundaries to what we are allowed to see and engages both her daughters and the viewers in a playful game of hide and seek. The portraits of her girls are tightly cropped. They show outlines of bodies, fleeting gestures, crisp white fabric of summer dresses, but only birds and squirrels look back at us.

A subtle tension therefore builds up, as the series unfolds and we follow Cristina’s meandering thoughts about the transformative experience of motherhood, about her daughters, their personalities, their future selves, about her family and her own agency. In this context, the girls’ selected drawings appear as a cheerful disruption as much as a necessary complement to finally reveal a full family portrait with undisguised emotions, ranging from laughter to tears, from joy to sadness.

With Instincts. Same but different, Cristina pursues the autobiographical work that she has started with Back views (2003-2013) and Embody (2019). The textured and patterned surfaces of skin, hair, feathers, fur, that she continues to scrutinize, allow glimpses into inner landscapes. These landscapes may stem from different moments in Cristina’s life, but they are shaped by the same recurring questionings of identity, the creative act and, most importantly, of how to negotiate one’s place as a woman and an artist. The underlying meaning of this trans-generational family photography project thus ultimately speaks of self-affirmation and ownership. A clear artist’s statement to the public, and a message of encouragement and hope passed from a mother to her daughters.

Françoise Poos
Ph.D. Visual Culture



Cristina Dias de MagalhĂŁes, Home, Instincts.Same but different, 2020